Vos droits Médecins experts Guide de l'expert 2004 LA PREUVE section 3

Combien ou le degré de preuve

Combien ? ...ou le degré de preuve

Gestion de l'incertitude:

0% impossible == certitude

plus grand que 0% plus petit que 100% == incertitude

100% certain ==certitude 

Qu’en est-il pour une opinion d’expert sur le plan médico-légal ?

Entre l’impossible et l’évidence réside une zone d’incertitude qu’il nous faut apprendre à gérer.


Heureusement, ni le droit civil, ni la Loi sur l’assurance automobile n’exigent la certitude quand vient le temps de donner une opinion ou de rendre une décision.


N o t i o n   d e   … p r o b a b i l i t é


Voici ce que dit l’article 2804 du Code civil concernant le degré de preuve nécessaire en droit civil :


Code civil du Québec
Article 2804
« La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »


Pour que la probabilité de l’existence d’un fait soit plus grande que celle de son inexistence, elle doit être logiquement supérieure à 50 %.


Ainsi, l’expert qui étudie le lien de causalité doit :
• apprécier l’ensemble de tous les éléments de preuve qui lui sont disponibles;
• donner une opinion en probabilité, à défaut de pouvoir conclure à une certitude.
Si la probabilité est supérieure à 50 %, le lien de causalité sera retenu.


A T T E N T I O N


Il est évident que la réalisation d’une expertise ne peut se comparer à un calcul mathématique précis.


Cependant, le concept « > 50 % » nous permet de comprendre le sens qui doit être donné au mot « probable » dans les rapports d’expertise.


Pour éviter tout risque de confusion, il est recommandé à l’expert de se prononcer en probabilité et d’éviter les autres termes tels : plausible, compatible, vraisemblable, etc.

Une relation jugée probable entre une blessure et un accident, signifie que l’analyse médicolégale de tous les éléments de preuve ont amené à la conclusion que la probabilité du
lien est estimée supérieure à 50 %.


3.4


Tribunal administratif du Québec
SAS-Q-000543-9512, AA-17441
rendue le 16 octobre 2000


(…) Le Tribunal juge peu déterminant les mots « logique, acceptable ou compatible » à l’établissement d’une relation entre une pathologie et un accident.
3.5


N o t i o n    d e … p r é p o n d é r a n c e


« Qui a plus de poids, qui l’emporte en autorité, en influence. »


On peut juger la prépondérance sur l’ensemble des éléments de preuve.

Après étude de l’ensemble de la preuve, si les éléments en faveur d’une partie sont prépondérants sur ceux en faveur de l’autre partie, la balance penchera en faveur de la première.

La prépondérance dans ce cas est donc un synonyme de probabilité à plus de 50 %.


On peut juger la prépondérance entre deux éléments de preuve.


Entre deux versions contradictoires pouvant porter :
• sur les faits;
• sur les données de l’examen clinique;
• sur des opinions d’expert.


Celui qui fait l’analyse médico-légale d’une problématique avec tous les éléments de preuve disponibles, doit être en mesure d’évaluer la valeur probante de chacun des éléments de
preuve. En présence d’éléments contradictoires, il doit aussi être en mesure de déterminer l’élément qui a le plus de valeur, celui qui est prépondérant. (Voir page 3.8)


A T T E N T I O N


Ce qui compte :
• ce n’est pas la quantité des éléments de preuve que l’on met
dans la balance de l’analyse médico-légale;


• c’est plutôt la valeur probante relative de chaque élément de preuve.
L’opinion d’un seul expert peut être prépondérante sur celle de 2 ou 3 ou 4 contre-experts si la qualité de sa motivation lui confère une valeur probante plus grande que celle des autres experts. Les témoignages se pèsent et ne se comptent point.

DUCHARME, Léo. Précis de la preuve,
3e édition. p. 99 ss.


A u t r e s     n o t i o n s …


LE CAS SPÉCIFIQUE OU CAS D’ESPÈCE


Chaque personne accidentée est unique en soi et sa réclamation doit être étudiée avec les caractéristiques qui lui sont spécifiques au niveau des faits, de l’évolution médicale et des données de l’examen.


Il ne faut pas confondre le degré de preuve en droit civil (probabilité supérieure à 50 %) avec des statistiques référant à des ensembles de cas.


Ainsi, un lien de causalité ne sera pas jugé probable ou non probable du seul fait que selon les connaissances reconnues cette situation est fréquente ou rare.


EXEMPLES


On ne saurait motiver l’acceptation d’un lien de causalité entre une blessure subie dans l’accident et une aggravation, uniquement pour le motif que ce type d’aggravation est une complication
qui survient dans plus de 50 % des cas de ce genre.


On ne saurait motiver une fin d’incapacité en relation avec l’accident (ex. : entorse cervicale) uniquement pour le motif que dans plus de 50 % des cas ce type de problème est guéri en
moins de 8 à 12 semaines.


L’expert doit considérer chaque cas comme un « cas d’espèce » et déterminer si, dans ce cas, à partir des éléments de preuve disponibles et de leur valeur probante, la probabilité d’un lien
de causalité est supérieure 50 %. On comprendra que dans les circonstances où l’opinion finale de l’expert va à l’encontre de la connaissance statistique, la qualité de sa motivation revêt
un caractère encore plus important.


Tribunal administratif du Québec
AA-56950, rendue le 14 avril 1992
(...) «... la Commission écarte les opinions exprimées par les docteurs C et D ..., non pas tant en raison de l’invraisemblance de leur conclusion, mais principalement en raison de leur refus de prendre en considération certaines caractéristiques spécifiques à ce dossier, en l’occurrence la persistance, au-delà d’une période
« normale », de séquelles objectives d’atteinte cervicale. En effet, les médecins n’étaient pas appelés à émettre une opinion sur un dossier générique d’entorse cervicale, mais bien sur le dossier d’une appelante possédant des caractéristiques biologiques qui lui sont personnelles. » - -


SAS-Q-077473-0107, rendue le 13 mars 2003
(…) son avis ( l’expert ) ne peut se baser principalement sur l’évolution habituelle des individus subissant une telle lésion, chaque cas étant un cas d’espèce.

Chaque cas est un cas d’espèce.
Attention aux statistiques !
3.6
3.7


LE BÉNÉFICE DU DOUTE


Le bénéfice du doute est une expression habituellement réservée au droit criminel qui exige d’arriver à des conclusions hors de tout doute.


Le droit civil demande de se prononcer en probabilité. L’expert doit donc, par son analyse médico-légale, donner une opinion en probabilité sur les questions qui lui sont posées. Il doit
aussi motiver cette opinion à partir d’éléments objectifs.


L’expert peut-il parfois donner le bénéfice du doute dans son rapport ?
Réponse : NON
On attend de l’expert une opinion et non une décision sur la probabilité de l’existence d’un fait ou d’un lien de causalité.


Pour l’expert, il y a deux possibilités :


• Probable : Il estime la probabilité à plus de 50 %
• Non probable :
Il estime la probabilité à 50 % ou moins


Dans le cas où, selon l’expert, il y aurait équivalence des chances, soit 50 / 50 :
• Le rôle de l’expert demeure de dire la vérité, à savoir que son opinion est à l’effet qu’il y a équivalence des probabilités.
• Il appartiendra au décideur, le cas échéant, de compléter la preuve en vue de rendre sa décision.