Réalités ABUSEURS le protecteur du citoyen dénonce Les années 1980-1989 Année 1982-1983

1.6. L'équité: un principe fondamental

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 J'ai évoqué ci-dessus la relative faiblesse du citoyen face à l'administration publique. De par les ressources humaines à son service, en nombre et en qualité, par la diversité des disciplines auxquelles il peut ainsi faire appel, par l'ampleur des ressources financières à sa portée, par les pouvoirs que la loi lui accorde, par les prérogatives royales que le droit coutumier lui reconnaît encore, l'État dispose d'une panoplie de moyens qu'aucun citoyen ne peut égaler. Il en résulte un déséquilibre qui peut facilement, en maintes circonstances, se transformer en déni de justice. L'inégalité est, en effet, flagrante dans ce rapport de force qui met en présence l'État qui détient tous les pouvoirs et le citoyen qui ne dispose que des droits que ce même État veut bien lui reconnaître. « La loi du plus fort est toujours la meilleure » disait le vieux Lafon-taine, décrivant très justement la règle qui prévaut dans une dictature. Il en va autrement en démocratie: la plus noble fonction de la loi n'est-elle pas précisément de protéger le plus faible? L'État doit s'en souvenir quand il se trouve en conflit avec un citoyen : il ne doit pas se servir de la loi pour l'écraser et il m'apparaît normal que, à l'occasion, il tempère les réclamations qu'il peut avoir pour tenir compte de circonstances particulières. Ainsi, par exemple, dans des cas particulièrement pénibles, je n'hésite pas à intervenir auprès du ministère du Revenu pour qu'il consente à échelonner sur plusieurs mois, voire même sur quelques années, une créance qu'il serait en droit de réclamer sur le champ. Il y a là collision de droits : l'État a le droit de réclamer son dû et le citoyen a le droit d'être traité humainement. Deux droits de nature différente dont l'équité exige le respect du plus fondamental. L'État, à la requête du Protecteur, consent à tempérer la rigueur de la justice par une concession à l'équité. En analysant les diverses plaintes qui me sont soumises, j'ai beaucoup de difficulté à trouver leur solution dans les brocards qui sont souvent devenus des clichés qui ne veulent plus rien dire. Peut-on sérieusement prétendre aujourd'hui que « nul n'est censé ignorer la loi »? Prenons l'exemple d'un accidenté du travail qui serait dépourvu de tout recours parce qu'il aurait omis, par ignorance ou pour tout autre raison, d'interjeter appel dans les délais prescrits aux organismes dits d'appel. Dois-je tout simplement l'abandonner à son sort? Je reconnais que, dans un conflit entre deux personnes, un juge, constatant l'extinction d'un droit, ne pourrait le faire revivre; ne pas déclarer forclusion serait alors strictement injuste à l'égard de l'autre partie. Mais le Protecteur du citoyen, qui lui n'intervient que dans les relations citoyen-État, ne doit pas se faire scrupule dans de telles circonstances de faire plutôt appel à l'équité, dans la mesure toutefois ou aucun autre droit reconnu ne risquerait d'être lésé. (...)

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