Réalités ABUSEURS le protecteur du citoyen dénonce Les années 1980-1989 Année 1982-1983

1.3. Non pas un parti pris mais « une raison de croire »

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Le citoyen qui se croit lésé par un fonctionnaire a souvent l'impression que, en s'adressant au Protecteur du citoyen, il confie sa cause à un avocat qui va  s'employer, par tous les moyens légaux possibles, à lui donner raison. C'est là malheureusement une fausse perception que ne sont pas loin de partager hélas! la plupart de ceux dont mon enquête démontre que, contrairement à leurs prétentions, ils n'ont, du moins à mon avis, subi aucun préjudice. Cette réaction est compréhensible; elle est à l'origine des accusations qu'on me fait parfois de complicité avec l'administration publique que je chercherais à protéger. Pourtant telle n'est certainement pas mon intention. C'est le citoyen que je veux protéger, mais ma protection ne peut pas aller jusqu'à lui donner raison quand il a tort. Lors-que, compte tenu de la législation et des exigences de l'équité, le fonctionnaire a fait son devoir, je ne peux que le constater. Malgré la sympathie que peut rn'ins-pirer la situation dans laquelle ma prise de position laisse un requérant, je ne peux me substituer au législateur pour recommander aux fonctionnaires de contrevenir à la loi  Si la loi, par exemple, prévoit que l'allocation sociale d'une personne doit s'élever à 152 $, il ne m'est pas possible de demander au fonctionnaire de verser davantage même s'il m'apparaît que ce montant est insuffisant. Certes, compte tenu de l'expérience que me procurent mes enquêtes, si je suis en mesure de constater que la teneur d'une loi est source d'injustice, il est de mon devoir de le dénoncer et de suggérer au gouvernement des modifica-tions(2). Mais tant qu'on s'en tient à une application juste et équitable de la loi, je ne peux exiger qu'on accède à toutes les demandes de mes requérants. Il ne m'est pas permis de prendre systématiquement parti pour eux; cela serait, en effet, saper à la base la crédibilité de l'institution et m'engager dans des débats interminables dont personne à la longue ne sortirait gagnant, surtout pas le citoyen. Mais cela dit, le Protecteur du citoyen se doit d'accueillir avec sympathie les doléances de ceux qui s 'adressent à lui. Il le doit, car le citoyen aux prises avec l'État se trouve dans une situation extrêmement désavantageuse. Quémandeur démuni devant un fonc-tionnaire qui connaît bien tous les rouages de l'administration et qui détient toutes les clés, le citoyen qui s'estime lésé dans ses droits n'a guère de chance de l'emporter dans ce combat inégal. C'est pourquoi son Protecteur officiel doit accueillir sa demande de secours avec sympathie; il doit accepter de commencer l'enqnête même s'il n'est pas convaincu que le requérant est dans son droit pourvu qu'il ait « raison de croire » que celui-ci a pu être lésé. Le Protecteur du citoyen ne doit rien négliger pour faire apparaître le préjudice subi. Certaines déclarations du requérant peuvent lui sembler peu probables, voire même contradictoires; certaines de ses attitudes sont, peut-être, aussi discutables et parfois même fort déplaisantes; le Protecteur du citoyen doit, quand même, tout mettre en oeuvre pour s'assurer que les droits de son requérant ne sont pas brimés et que justice lui sera rendue. La faveur, dont doivent jouir ceux qui ont recours à lui, lui impose cette ligne de conduite.

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