Accidentés LA SAAQ et Marisol.L.G Marisol en 2018-2019

3.4 Les conséquences de l'échec de la réadaptation

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de cette première "réadaptation" de la prise de conscience mon état de santé et de la destruction de mon couple

Mes douleurs avaient augmenté, j’attendais une nouvelle opération qui s’est déroulée peu de temps après la découverte de ma blessure, je devais alors envisager de recommencer à zéro, ma réadaptation. Pendant cette convalescence, puisque mon chirurgien orthopédiste pris la décision d’interrompre toute physiothérapie, je pris le temps de parler avec ma conseillère en réadaptation pour lui exprimer mes craintes de retourner dans cet établissement. Elle me confirma aussi cette fameuse chicane entre elle et la responsable de mon dossier et malheureusement, c’est moi qui en avais payé le prix. Ma conseillère en réadaptation me suggéra alors, une autre option, un autre centre pour continuer ma réadaptation, ce que j’accepterai un peu plus tard

Cependant, tout ce qui était écrit allait resterdans mon dossier à tout jamais donc, mes problèmes n’existaient pas. À ce moment-là, je ne réalisais pas l’ampleur des conséquences que mon dossier aurait sur mon avenir, de plus je croyais tellement à la guérison complète que j’ignorais volontairement ce fait. Ce que je souhaitais au fond de moi, c’était guérir le plus vite pour sortir de ce système, qui n’était pas fait pour moi, et ce malgré les séquelles évidentes, j’étais toujours dans le déni. Les gens qui m’entouraient m’offrait toutes sortes d’aide, tel que faire les repas, préparer mes papiers, les télécopier pour la SAAQ, écrire les lettres dont j’avais besoin etc. C’est ce qui m’empêcha aussi d’y voir clair dans mes séquelles. J’avais besoin de cette aide et je le savais, mais j’ignorais que ces symptômes ne partiraient pas par magie. Je regrette aujourd’hui de ne pas avoir eu toute ma tête pour comprendre que j’étais devenue une personne à mobilité réduite et que ce n’était pas temporaire, que j’aurais à accepter ce fait un peu plus tard dans ma vie et recommencer à m’adapter pour le reste de mes jours.

 

Pour ce qui est de l’opération, tout s’est bien déroulée et malgré le fait que ce n’est pas une opération d’un jour, j’ai demandé à mon chirurgien de me laisser repartir à la maison. Après mon accident, j’étais restée si longtemps à l’hôpital, que je ne voulais plus y retourner, il était hors de question que je dorme là-bas, c’est ce qui fait qu’aujourd’hui encore, lorsque je tombe, je préfère rester seule à la maison que de retourner à l’hôpital. Non pas, que j’y avais de mauvais soins, loin de là.

L’hôpital Santa Cabrini fait partie intégrante du recouvrement de ma santé, j’y ai rencontré de supers intervenants qui aujourd’hui ont encore des liens avec moi et certains médecins de cet établissement me soignent encore aujourd’hui, cinq ans plus tard.Après mon intervention, je suis retournée chez moi en convalescence et c’est durant cette période qu’une séparation déchirante eue lieu.

Mon conjoint de l’époque, celui avec qui je faisais du sport, celui avec qui je partageais de beaux moments, celui qui partageait ma vie, n’était plus. C’était une toute autre personne, il me regardait comme si rien ne s’était passé, comme si la vie continuait comme avant, il refusait tout contact avec les médecins et les intervenants dans mon dossier. Il ne m’accompagnait à aucun de mes rendez-vous. Je n’avais aucun soutien de sa part et pour être honnête, je me suis détachée de lui aussi rapidement, devant me concentrer sur ma réadaptation, je devais ignorer le fait, que lui m’ignorait et je réussis à le faire rapidement, je ne comptais plus sur lui et cela ne me perturbait point. Nous étions sur le point de détruire une superbe relation et nous l’avons fait. 

Ce que je sais aujourd’hui c’est que nous vivions des moments tellement à l’opposés que notre vision des évènements ne pouvait être la même.

En effet, le 9 octobre 2013, sa femme avait eu un accident et le 9 octobre 2013, moi, ma vie avait basculé, ce qui est très différent, mes rêves ne pouvaient plus se concrétiser et je devais me battre pour retrouver mes capacités.

Pour lui, la personne qui faisait du sport avec lui, la personne qui aimait regarder une partie de hockey et qui s’emportait à chaque but compté, n’était plus, l’étudiante, la femme qui avait décrochée le poste de ses rêves à l’UQAM, celle qui se levait pour l’accueillirau beau milieu de la nuit, au retour de son travail, n’était plus.

Dans mon fort intérieur, tout ce dont j’avais envie était de me détacher de lui qui restait dans un déni plus profond que le mien, tout ce qui l’intéressait était autre que mon rétablissement. Il était hors de question, pour moi que cet homme qui était presque devenu étranger à mes yeux, prenne soin de moi, ce qu’il ne faisait pas à ce moment-là d’ailleurs.

J’ignore si c’est moi qui l’avais entrainé dans ce déni, j’ignore ce qu’il pensait, mais ma priorité n’était plus notre couple, mais bien mon état physique et psychologique. Ayant du même coup perdu mon meilleur ami, je n’avais plus personne à qui me confier, sur qui m’appuyer quand j’avais de la peine. Peut-être était-ce trop lourd de me voir ainsi ? C’est possible et peut-être avait-il un deuil à faire ? C’est possible.

Aujourd’hui encore, j’ignore ce qui nous est arrivé à ce moment-là, mais je sais que l’éloignement s’est inséré rapidement mais sûrement, d’un côté comme de l’autre et probablement plus de mon côté que du sien. J’en était à un point où lorsqu’il était là, j’étais malheureuse, je n’avais aucune envie de partager mes sentiments avec lui.

Cette période était tellement à l’opposée de ce que nous étions lors de mon hospitalisation, alors qu’il travaillait de nuit et passait toutes ses journées avec moi. Alors que les douches étaient défectueuses sur mon étage, on se sauvait en douce pour me donner une douche sur une autre étage. IL m’emmenait de bon repas et essayait de m’aider à réapprendre à marcher dans les couloirs. À cet instant, nous nous battions côte à côte, ce qui n’était plus le cas.

Nous nous rendions compte aussi de notre échec, je n’étais plus qui j’étais. Je suis devenue une toute autre personne après mon accident, alors comment aurait-il pu s’y adapter ? Je n’étais plus la même personne que celle qu’il avait rencontré et moi je ne pouvais plus le voir avec le même regard qu’auparavant.

Et même si j’étais reconnaissante de tout ce qu’il avait fait pour moi lors de cette hospitalisation, je ne le voulais plus à mes côtés, j’avais suffisamment de problèmes comme ça !

Je me demande aujourd’hui, si je lui en voulais de marcher encore alors que moi je devais me battre, je ne crois pas, mais c’est possible. Alors que parfois, il partait pour aller jouer au billard pendant que j’étais dans une bataille sans fin, je lui en voulais.

Comment pouvait-il s’amuser alors que je souffrais autant,que j’étais démolie, que je me repliais sur moi-même, comment osait-il me laisser tomber ainsi? Je crois qu’à ce moment, j’étais très exigeante. Je crois aussi que je devais me concentrer sur moi-même et que j’étais incapable de gérer quoi que ce soit. De plus, je me rendais compte peu à peu, de mes difficultés et que c’était bien assez pour moi, je n’avais plus de place pour personne dans ma vie, je devais y arriver coûte que coûte et rien ni personne n’allait me ralentir, les difficultés du quotidien étaient rendues pour moi si insignifiantes, il y avait tellement plus important pour moi.

Je prenais conscience de la vie, de la vraie vie. Je prenais conscience de ce que je perdais, je prenais conscience de tout ce que j’avais avant, de tout ce que je n’avais plus. Je prenais conscience que j’étais chanceuse d’être en vie, mais j’ignorais si j’avais envie de vivre ce genre de vie. La réponse est simple, non, je n’avais pas envie de vivre ce genre de vie et même si je savais qu’il y avait bien pire que moi,je n’avais pas du tout le goût de rester comme cela, je voulais tout ce que j’avais avant, rien de moins. J’étais en deuil et je ne m’en rendais pas compte.

Je me tournais alors vers ma famille pour me confier, ainsi qu’envers les psychologues de la SAAQ, c’était la déchirure de mon couple et j’avais besoin de savoir si je pouvais faire mieux. Mais, alors que lui avait envie de parler de politique étrangère et qu’à chaque appel que nous recevions, il prétendait que j’allais bien. J’avais envie qu’il me console et qu’il se rende compte à quel point j’allais mal.

J’allais vraiment mal et même si je voulais qu’il prenne soin de moi, j’étais trop orgueilleuse pour l’avouer, je préférais me débrouiller sans lui et le laisser dans sa politique étrangère et dans ses débats quotidiens au niveau philosophique. J’ignore à quel moment j’ai décroché, mais à partir de ce jour, nous allions vivre en parallèle, nul endroit nous allions nous rejoindre durant les années qui suivirent. Deux étrangers partageaient le même espace, mais ne se rejoignaient plus, à partir de maintenant.Nous partagions une même souffrance, mais nous ne l’abordions pas de la même façon.

La vie continuait et j’avais l’impression de courir pour la rattraper et je n’y arrivais pas. Je souffrais intérieurement et physiquement. Je souffrais tellement que je ne pouvais plus me supporter, je manquais de sommeil, j’essayais de rattraper le temps qui s’éloignait à une telle vitesse. J’avais du mal à respirer, j’étais anxieuse, angoissée, apeurée, démunie.  C’était si pesant à vivre.

 

 

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