Accidentés LA SAAQ et Marisol.L.G Marisol en 2018-2019

1.1 L’accident et le transport en ambulance

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Ce jour est gravé dans ma mémoire, comme une image qui passe et repasse en boucle comme si je pouvais la corriger. J’ai pourtant de sévères problèmes de mémoires, j’aurais tellement préféré oublier cette journée. Il me semble que ce serait moins souffrant. Si enfin, j’oubliais qu’avant cet accident, je pédalais mon vélo, et combien je me sentais heureuse et libre.

Ils appellent cela une empreinte, les médecins me l’ont expliqué comme suit : C’est comme un traumatisme si profond qu’il est indélébile, ce souvenir laisse une empreinte dans le cerveau. Il peut repasser en boucle, toute ma vie, et je ne pourrais jamais m’en départir. Les gens diront : « Mais, c’est un beau souvenir ». Bien sûr, mais il me reste des images de ce qui suit aussi, ce que j’appelle : « L’Après ». L’instant d’après, qui a laissé une empreinte aussi profonde, là où tout s’arrête pour moi, où ma vie change en un claquement de doigts, l’espace d’une seconde.

C’était pour moi, une journée chargée comme les autres, j’étais heureuse de la terminer pour aller pratiquer mon sport avec mon conjoint. La température était agréable, les terrains de tennis toujours ouverts, le 9 octobre 2013, et pourtant ma vie allait devenir un cauchemar. Et si je n’avais pas changé mon trajet ce jour-là, et si j’avais fait les choses comme elles étaient prévues, et si j’étais partie une seconde plus tard, ou plus tôt, jamais rien ne serait arrivé.

Longtemps, je me suis posé ces questions, et je serai toujours sans réponse ou plutôt, je la connais la réponse, elle est simple. Les « si » n’existent pas ! Soit, ils ont été du passé, ou ils sont à venir, mais ils ne sont jamais recommencement.

C’est à l’âge de 39 ans, à Montréal, alors que j’étais à vélo, qu’eu lieu l’accident qui allait changer ma vie. Celui qui allait faire de moi, celle que je suis aujourd’hui en fauteuil roulant et avec les capacités qui me restent.

Ce matin du 9 octobre 2013, j’étais à un point dans ma vie que j’appellerais un tournant, j’avais entamé, un peu plus de deux ans auparavant un retour aux études, pour améliorer ma situation à mes 40 ans, comme un cadeau que je m’offrais. Je venais de recevoir un prix du Ministère de l’Éducation pour mon rendement et pour une attitude et une présence exemplaire en cours. J’avais déniché un contrat pour un projet à l’endroit où je souhaitais.

 

En effet, travailler à l’UQAM était un de mes rêves, c’était ma cible principale, pourquoi ? Parce que j’adorais les études et que le seul moyen d’avoir le temps de continuer était d’y travailler. Pour y arriver et obtenir cette opportunité, je devais avoir un parcours parfait, ce que j’avais réussi ! Le stress des examens derrière moi, il ne me restait plus qu’à faire mes preuves et j’étais confiante, j’en avais la capacité et je le savais, alors il ne me restait plus qu’à foncer.

La tête libre, je jouissais d’une journée de congé, lorsque j’ai décidé de faire un détour pour aider des étudiantes qui me téléphonaient sans cesse, ce matin-là.

J’ai donc décidé de les aider. À mon arrivée à L’École des Métiers, de l’Informatique, du Commerce et de l’Administration, le directeur m’a un peu réprimandé au sujet de ma présence dans l’école, alors que j’aurais dû avoir cette journée de repos. J’ai ris et continué mon chemin, pour aller donner un peu d’aide aux étudiantes. C’est à la suite de cet avant-midi, alors que je retournais chercher mon équipement de tennis, que j’ai subi un accident de la route.

Ce dont je me rappelle le plus, c’est d’avoir ressenti comme un élan qui m’aspirait dans les airs avec un véhicule sous moi. J’étais tout à fait consciente à la suite de l’impact puisque seul mon vélo avait été touché par la voiture, ce qui m’avait propulsée si haut, que j’ai passé au-dessus du véhicule. 

C’est étrange comme le cerveau est une machine incroyable, pendant ce moment qui dure quelques millièmes de secondes, on a le temps de remarquer tous les petits détails, comme la couleur de la voiture, le genre de véhicule, la hauteur où je me trouvais et même ce qui m’attendait. En fait, c’est un réflexe de protection que le cerveau produit dans de telles circonstances. Le cerveau accélère son analyse, ce qui fait qu’on a l’impression que les choses se passent au ralenti. Cela nous donne alors le temps nécessaire pour réagir. J’ai alors levé mes bras pour protéger ma tête et … le premier choc, je sens mes bras se désarticuler…et le deuxième choc ainsi que la glisse sur l’asphalte, je n’en ai aucun souvenir. La prochaine image que j’ai est celle du devant du véhicule et il se trouvait loin. J’avais fait tout ce chemin, en passant par-dessus le véhicule, le point d’impact se trouvant à plusieurs mètres d’où j’étais. Je pensais m’être protégé la tête, mais lors de mon réveil, alors que j’étais couché par terre, un immense mal de tête me faisait bourdonner les oreilles, si bien que je n’entendais pas, mais je voyais que des gens tournaient autour de moi c’était flou. Je me souviens d’essayer de m’orienter, mais tout ça n’était pas clair, signe que j’avais manqué mon atterrissage.

 Je voyais des visages, et quelques temps après les cris me sont apparus mais rien de bien clair. J’étais comme dans un brouillard épais. Bien que désarticulée et ne pouvant plus bouger mes jambes, j’étais convaincue d’être en bon état, si je peux m’exprimer ainsi, donc la première pensée que j’ai eu à l’esprit était que je devais probablement être en retard, ce qui est souvent la réaction de personne en état de choc post-traumatique, ensuite il y avait le mot tennis et taxi. Je croyais donc, dans mon état plus que lamentable que je devais prendre le taxi et aller jouer au tennis, ce qui était impossible de toutes évidences.

De ceci, découle la première erreur médicale qui ira nuire à mon dossier quelques années plus tard. Même si je ne bougeais pas, que j’insistais pour aller jouer au tennis et qu’on m’appelle un taxi, les ambulanciers ont cru bon d’écrire que je semblais avoir toute ma tête. Si c’était le cas, il me semble que j’aurais pour le moins préféré voir une infirmière avant, non ?

Pour poursuivre, la deuxième erreur, qui nuira à mon dossier beaucoup plus tard arriva, lorsque les ambulanciers replacèrent mes membres désarticulés avant même de me mettre sur la civière, puisqu’avec les bras dans le dos, ils ne pouvaient m’apporter. L’erreur ne fut pas de les replacer, mais de ne pas l’avoir inscrit sur le rapport ambulancier.

Je n’ai aucun souvenir dans l’ambulance, mais je me souviens des douleurs qui apparaissent durant mon transport à l’hôpital, qui se trouvait à cinq ou dix minutes tout au plus, de l’endroit de l’accident et pourtant j’ai eu l’impression qu’on m’a transportée durant des heures.

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