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Gisèle Lepage, seule contre le système

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4 juin 2014 - 06:52

Par Claude-André Mayrand

LAVAL - 

Le 30 juin 2009, Gisèle Lepage a subi un grave accident de voiture qui allait changer sa vie à tout jamais. Près de quatre ans plus tard, elle n’a reçu que des miettes de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) en guise d’indemnisation, une situation qui la tue à petit feu.

Alors qu’elle roulait sur Arthur-Sauvé, une voiture arrivant par le boulevard Sainte-Rose l’a percutée sur le côté. Mme Lepage a fini sa course contre un poteau.

La Lavalloise aurait subi plusieurs blessures suite à l’accident. Avec une discopathie dégénérative, une fibromyalgie, une bursite calcaire à la hanche, une entorse cervicale et quatre hernies discales à son dossier médical, on aurait du mal à croire que la mère de famille n’est âgée que de 43 ans.

Toutefois, la SAAQ a conclu que Mme Lepage souffrait de la grande majorité de ces diagnostics avant son accident de juin 2009. La Société clame aussi que son médecin a commis une erreur administrative dans la rédaction de ses rapports.

Résultat : la résidente de Laval-Ouest a eu à se battre devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ), là où elle a essuyé un revers, malgré le témoignage de son médecin de famille depuis plus de 18 ans, qui affirmait que tous ses problèmes de santé étaient apparus suite à l’accident.

«La SAAQ se défend sur bien des choses qui n’ont pas d’allure, affirme Mme Lepage. La Société aurait voulu que mon médecin conclut mon invalidité rapidement après l’accident, mais elle attendait de voir la réhabilitation avant de se prononcer. Elle me reproche aussi d’avoir mis deux mois avant de rencontrer mon médecin, mais j’étais traitée par les médecins de Sacré-Cœur dans les jours qui ont suivi l’accident.»

Il y a quelques semaines, elle est retournée à Sacré-Cœur pour y subir des examens.

«Le médecin était découragé, il me trouvait maganée pour mon âge. Comment j’aurais pu avoir tout ça en gardant mes enfants à la maison?» se questionne la mère à domicile, qui a reçu environ 6 000 $ d’indemnisation, un montant rapidement dépensé en frais d’avocats.

La SAAQ blâme le karaté

Adepte de karaté depuis plusieurs années, Gisèle Lepage avait recommencé à en faire dans son processus de réhabilitation, de façon légère, sur la recommandation des médecins.

«Selon la SAAQ, ce serait le karaté qui m’aurait blessée avant l’accident, et aggravé mon cas par après. Le TAQ a retenu leur théorie», se désole-t-elle.

La SAAQ insistait aussi, selon Mme Lepage, pour dire que l’accident était survenu à 50 km/h. La vérité, c’est que Mme Lepage ignore totalement sa vitesse au moment de l’accident.

«Selon nous, c’est impossible que la voiture soit une perte totale et que les blessures soient aussi graves si la vitesse de Gisèle était de 50 km/h», affirme son conjoint Stéphane, qui estime que le montant d’indemnisation de sa conjointe aurait dû être 10 fois plus élevé.

Selon Mme Lepage et son conjoint, ni la police de Laval, ni l’autre automobiliste impliqué dans l’accident ne peuvent déterminer avec certitude la vitesse, ce qui aurait pu changer la donne dans le dossier et dans la décision de la SAAQ

13 comprimés par jour

Pour soulager ses souffrances physiques et mentales, Gisèle Lepage doit prendre treize comprimés par jour.

Elle a dû interrompre la physiothérapie, faute d’argent, et bien peu d’avenues s’offrent à elle afin qu’elle puisse un jour redevenir valide.

«Je me sens comme un petit chien qu’on a tassé après l’avoir frappé sur la rue», confie-t-elle lorsque qu’interrogée sur des sentiments d’avoir payé des assurances toute sa vie pour ne pas en bénéficier une fois dans le besoin.

Quant à l’attitude de la SAAQ, Mme Lepage trouve qu’elle manque de compassion.

«À l’occasion, l’agente d’indemnisation de mon dossier était méchante. Elle était arrogante et elle ne se mêlait pas de ses affaires, mais elle était plus compréhensive à la fin, analyse la Lavalloise de 43 ans. Ils prennent tout ce qu’ils peuvent trouver et le retournent contre vous.»

Gisèle Lepage pourrait retourner en cour en se basant sur les deux blessures que la Société lui reconnaît comme étant des symptômes de l’accident, soit une entorse cervicale et son bras qui n’a plus de mobilité. Elle n’en a toutefois pas les moyens, mais elle n’a pas encore dit son dernier mot pour l’ensemble de la cause.

«J’ai envie de me battre jusqu’au bout. Je n’abandonnerai jamais», conclut-elle.

Le trois quart des causes en faveur de la SAAQ

Invitée à commenter le sujet, la SAAQ explique que seuls les faits sont pris en considération dans l’étude d’un dossier.

«Une analyse de tout l’historique médical de la personne est faite pour le comparer au type d’accident et le type de blessures rapportées et il arrive qu’avec certaines conditions médicales, on puisse démontrer que ça ne peut avoir été causé par l’accident, explique Audrey Chaput, porte-parole de la Société. Nos décisions sont toujours prises sur la base d’informations médicales et l’information que l’on détient qui démontre si la condition est en lien ou non avec l’accident. Le juge du Tribunal administratif du Québec (TAQ) agit de la même façon.»

En 2013, 1 400 dossiers de la SAAQ ont été soumis au TAQ, un chiffre dans la moyenne, selon Mme Chaput.

Dans 77 % des cas, le TAQ a tranché en faveur de la position de la SAAQ.

Quant aux effets qu’une telle décision pourrait causer chez une personne accidentée, la SAAQ assure ne pas être de mauvaise foi.

«Quand une décision est prise, on se base sur une loi et de l’info médicale.

Quand on refuse une indemnisation, ce n’est jamais personnel, ajoute Mme Chaput. On ne remet jamais en doute l’honnêteté de la personne et si celle-ci se sent brimée, c’est très involontaire.»

En 2012, dernière année pour laquelle les données sont disponibles, près de 100 000 réclamations d’assurances avaient été reçues par la SAAQ et un peu plus de 1 G$ avaient été versés en indemnisations.

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